Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/385

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 388 —

Il s’affaisse, et les coups de matraque ne le font plus relever.

Il s’étend sur le sable brûlant, il y plonge sa tête, et il attend la mort. On le décharge, on distribue les fardeaux qu’il portait, sur le dos de ses compagnons qui sont parfois ses enfants, et la caravane reprend sa marche, laissant derrière elle le vieux serviteur dont l’utilité a cessé.

Alors il relève la tête, et il suit d’un œil mélancolique la caravane qui s’éloigne, et qu’il ne reverra plus. Il se sent condamné à mort, et le soleil impitoyable le consume. Quelques herbes sèches, où passe un souffle de vent, bruissent à deux pas. Il s’y traîne dans un dernier effort, et les mange pour prolonger encore son existence pendant un jour, deux jours, peut-être ; mais la soif le dévore, et le sable que le vent apporte commence à s’amonceler autour de lui pour lui faire un tombeau.

C’est fini, il va mourir. Soudain un bruit a frappé son oreille. Il dresse son cou démesuré, et il inspecte l’horizon. C’est une caravane qui passe à quelques pas de lui.

Comme un naufragé flottant sur une épave, et qui voit passer un navire à l’horizon, il lève bien haut la tête afin qu’elle domine les dunes comme un signal de détresse ; mais la caravane passe, et d’autres passeront encore sans faire attention au pauvre moribond, parce qu’il ne peut plus rendre service.

Cependant, il ne pousse pas un cri, pas une plainte ; et, la nuit prochaine, si le sable du désert n’a pas jeté