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Voulez-vous maintenant connaître toute l’utilité du chameau ? Écoutez. Outre le chameau porteur (le djemel) il y a le chameau de course (le méhari), qui fait le service des malles aussi rapidement que les chemins de fer de l’Espagne. En effet, le méhari fait 150 à 200 milles par jour.

La chair du chameau et le lait des chamelles servent à l’alimentation des Arabes. De son poil, ils font des cordages, des tapis magnifiques et des tissus de toutes espèces. Avec sa peau, ils font des chaussures et des selles. Enfin, il est un de ses produits que je ne veux pas nommer, et qui sert de combustible.

Après cela, je pourrais faire défiler devant vous tous les animaux de la création, même les raisonnables, individuellement, et vous en trouveriez peu qui soient plus pratiquement utiles.

Pour compléter ce portrait, il faut ajouter qu’après une vie misérable, le chameau meurt misérablement.

C’est le martyr du Désert, et il y est attaché, comme l’homme à sa patrie. Il y naît, il y souffre, il y meurt, et toute sa vie se passe à voyager à travers les dunes de sable d’une oasis à l’autre, brûlé par le soleil et par le simoun, écrasé par les fardeaux dont on l’accable, mal nourri, et souvent très mal traité.

Cette vie de misère dure vingt ans, trente ans, quarante ans. Mais un jour, la pauvre bête n’en peut plus. Ses forces sont épuisées ; sa peau terreuse, devenue chauve, couvre à peine sa charpente osseuse démesurée et sans grâce. Le travail, la misère, les mauvais traitements, le soleil et enfin les années l’ont brisé.