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Saa, ce qui veut dire : « à votre santé », et vous devrez répondre : Allah y selmeck, « Que Dieu vous bénisse ! »

La vie nomade n’a pas toujours le calme monotone d’une température immuable, et d’une solitude que la lumière inonde et que le soleil brûle. Elle a ses jours d’orage.

Il arrive quelquefois que la caravane est soudainement arrêtée dans sa marche, et si vous demandez pourquoi, on vous montrera avec terreur à l’horizon un petit nuage gris.

Qu’est-ce donc que ce petit nuage, et que peut-il avoir de menaçant ? Attendez, et voyez comme les Arabes se hâtent de dresser les tentes et de les assujettir fortement au sol. La chaleur grandit, l’atmosphère est immobile et lourde comme du plomb. Vous croiriez qu’un embrasement vous entoure et se resserre. Le nuage s’étend, s’élève, s’épaissit et se rapproche.

Chacun court et travaille, et l’on croirait que le douar va être attaqué par un ennemi invisible.

Le jour baisse, et le soleil prenant une teinte jaune ressemble à un grand œil éteint. Le nuage monte toujours, comme un rideau sombre obéissant à un mécanisme invisible, et il couvre bientôt la moitié du firmament.

Tout-à-coup, l’ouragan se déchaîne, et un tourbillon de sable lancé avec la rapidité d’une locomotive à grande vitesse, enveloppe et ébranle toutes choses. On ne voit plus rien que du sable, au ciel comme sur terre, et l’on ne respire, l’on ne mange, et l’on ne boit que du sable.