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À quelques pas des tentes, les chameaux épars broutent les herbes sèches, ou étendent sur le sable leurs membres fatigués. Leurs silhouettes étranges se profilent au milieu des tentes brunes, sur l’horizon rougeâtre, et donnent une vie singulière au paysage.

Au-dessus d’un grand feu, où flambent des branches de palmiers, un mouton qu’on vient d’écorcher, empalé au bout d’une perche, rôtit en entier et pétille joyeusement, pendant qu’un homme tenant l’autre bout de la perche le tourne et le retourne au besoin de la cuisson.

Des femmes puisent de l’eau dans une outre en peau de bouc, d’autres vont traire les chamelles et les chèvres, d’autres enfin préparent le kouskouss, ou prennent soin des enfants.

Quand le mouton est rôti, on le place dans une grande corbeille d’alfa, et tous les mangeurs assis autour se servent eux-mêmes et dépècent l’animal, les uns avec leurs doigts, les autres avec des espèces de couteaux de chasse. On goûte surtout la peau bien rôtie et croustillante, et on l’arrache par longues bandes que l’on croque avidement.

Pour arroser ce plat succulent, le vin fait défaut ; mais on boit une boisson qui se nomme leben. C’est du lait de chamelle, qui a sûri et fermenté dans une peau de bouc, et qui a pris un goût de musc affectionné par les Arabes. Cela ne vaut probablement pas le champagne.

Si jamais vous êtes invités à un pareil repas, le chef de la caravane, en vous servant du leben dans une écuelle de fer bossuée, ou peut-être dans votre fez, vous dira :