Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/379

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 382 —

Les nomades vont et viennent à travers le désert, et mènent la vie pastorale primitive. Au printemps, ils quittent leurs campements d’hiver, ou l’oasis dans laquelle ils ont séjourné quelques mois, et ils se dirigent vers le Nord, emportant avec eux tout ce qu’ils possèdent, et surtout une grande quantité de dattes.

Arrivés dans le Tell, c’est-à-dire dans la partie septentrionale de l’Algérie qui avoisine la mer, ils vendent leurs dattes ou les échangent contre des marchandises, et ils s’engagent pour l’été chez les colons Français et Kabyles, comme laboureurs ou comme bergers. La caravane se trouve ainsi dispersée pendant quelques mois ; puis, quand l’automne arrive, la caravane se reforme et reprend sa course vers le midi, remportant dans le désert les corps de ceux qui sont morts pendant l’été. Les grands paniers de dattes sont remplacés par des cercueils sur le dos des chameaux.

Et ils s’en vont ainsi, à petites journées, jusqu’à ce que les rayons du soleil les avertissent qu’ils ont atteint la latitude désirée. Alors ils font un traité avec une tribu sédentaire pour passer l’hiver. S’ils ne peuvent pas s’entendre, ils vont se camper dans le voisinage de quelque ruisseau ou d’une oasis, d’où ils peuvent se procurer l’eau nécessaire à leurs besoins.

J’ai vu des campements arabes dans le désert, et je doute que l’homme civilisé puisse rien voir de plus poétique comme paysage, et de plus primitif comme genre de vie.

Le soleil est couché, mais le crépuscule se prolonge, et le firmament garde longtemps une teinte rouge qui répand au loin sa lueur.