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Je l’ai plantée hier auprès d’un pâturage :
Dès qu’il sera brouté, j’arracherai les pieux,
Et nous repartirons librement sous les cieux…
Repartir et marcher, c’est là tout mon travail ;
Mon rêve est une source au bord d’une prairie ;
Toute la solitude immense est ma patrie ;
Mes ennemis sont ceux qui voudraient m’empêcher
De faire aujourd’hui halte et demain de marcher…
Je n’ai besoin que d’un peu d’eau, de quelques grains,
Et c’est tout. Mes chameaux m’habillent de leurs crins ;
Je sais le goût du lait de mes chamelles rousses,
Et du vin des palmiers chargés de dattes douces…
Ah ! que d’autres assis, couchés dans leur maison,
Esclaves de la pierre — ignorent l’horizon,
Comme l’arbre dont la racine est prise en terre !
Qu’ils soient dans leur tombeau comme un mort solitaire…
Moi, j’ai des pieds ! vers l’horizon toujours nouveau
Je vais ! j’irai partout où se pose l’oiseau !
Au nord, l’été ! l’hiver, au sud ! comme la caille.
Pour nous la pluie est bonne et le soleil travaille ;
Personne mieux que nous ne connaît le printemps ;
Pas un beau ciel n’échappe à nos regards contents ;
Nous jouissons de tout ce que Dieu nous envoie…
Chez vous que de beaux jours sont beaux sans qu’on les voie !
Pour vous, sur les sommets d’un feu rouge inondés,
Que de couchants sont beaux sans être regardés !
Vos yeux ne savent pas où luit la Belle Étoile !
Les merveilles de Dieu votre mur vous les voile ;
La rue est un fossé de tombe, un caveau noir…
— Nous, nous ne laissons pas passer Dieu sans le voir !

Les tribus arabes sont nomades ou sédentaires. Ces dernières s’établissent dans les oasis et y bâtissent des villages ou des villes de huttes en terre. Telles sont les populations d’El-Kantra, de Biskra, de Sidi-Okba, de Tougourt.