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Sans doute, l’Arabe est l’indolence personnifiée, et il regarde même le travail comme déshonorant ; mais cette paresse est raisonnée, et il soutient qu’elle est raisonnable. Simplifier la vie le plus possible, réduire de plus en plus ses besoins, ne s’accorder que les choses absolument nécessaires à sa conservation, voilà sa philosophie ; et il repousse la civilisation, parce qu’elle augmente ses besoins.

La terre n’est pour lui qu’un lieu de passage, et l’on n’y reste pas assez longtemps pour prendre la peine de s’y installer. Une maison est donc un luxe inutile, et qui ne vaut pas le travail qu’elle coûte. Une hutte en terre, et, ce qui est mieux encore, une tente que l’on emporte avec soi et qui permet de changer de latitude, voilà l’habitation qui lui convient. Les meubles dont nous encombrons nos maisons seraient un embarras pour lui. Qu’a-t-il besoin de lits, de tables, de chaises et de mille choses que nous croyons indispensables ? Il dort, il s’assit et mange très bien par terre.

Ce qu’il aime, c’est la vie en plein air, libre, insouciante du lendemain, c’est le far niente, à l’ombre des palmiers quand il fait chaud, et sous les rayons du soleil quand vient l’hiver ; c’est la course vagabonde au galop de son cheval, à travers les vastes solitudes du désert ; c’est l’éternel voyage en caravane vers une terre promise imaginaire qu’il n’atteint jamais.

Certes, tout n’est pas faux dans cette philosophie arabe, et l’on pourrait même dire peut-être : ce n’est que l’exagération de la vérité. Mais vous savez qu’il n’y a pas que les Arabes qui exagèrent la vérité !