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Il faut un certain courage pour avaler ce café ; mais le courage est récompensé, car le café est bon.

Nous montons dans la tour de la Mosquée, et nous apercevons toute la ville sous nos pieds, avec ses toits plats en terre grisâtre, formant comme une vaste terrasse, divisée en carrés comme un damier.

Quand vient la nuit, toute la population monte sur ces toits pour y dormir, sans autres lits que les tapis du Dgebel-Amour, et sans autres couvertures que le velours bleu du firmament étincelant d’étoiles.

La richesse des habitants de Sidi-Okba consiste dans leurs palmiers-dattiers, et de petits murs de terre, de deux ou trois pieds de hauteur, séparent les propriétés, grandes comme des jardins.

Un ruisseau alimente l’oasis, et l’on en distribue l’eau aux propriétés par de petites rigoles, comme on nous la distribue à Québec par les tuyaux Beemer ; mais les rigoles coûtent moins cher. Sans cette eau, les palmiers mourraient, car ils vivent d’humidité et de soleil.

Un palmier-dattier peut rapporter 25 francs par an. Dès lors, un Arabe qui en possède seulement 20 est un homme à l’aise. Avec 600 francs, soit 100 dollars de revenus, il vit comme les marchands en gros de la basse-ville de Québec.

Les Arabes sont un peuple enfant qui ne veut pas grandir. Est-ce philosophie ou paresse ? C’est difficile à dire ; je suis porté à croire qu’il faut attribuer à l’une et à l’autre cette perpétuelle enfance.