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fatigues, et vous sentez le besoin de chanter un hymne à Allah.

Deux cent, trois cent, quatre cent mille palmiers sont là devant vous, abritant toute une ville sous leurs têtes en parasols. Mais quelle ville étrange et sauvage ! Des rues étroites comme des corridors, tortueuses, inégales, et bordées de huttes carrées en boue séchée au soleil. Ces huttes se touchent, n’ont pas de fenêtres, mais des portes basses soigneusement fermées. Au pied de ces murs de terre, dans tous les angles où il y a un peu d’ombre, des Arabes et des Nègres, grands et petits, tous vêtus de blanc, sont assis dans le sable, et causent tranquillement en fumant.................... quand ils causent. Les femmes sont à l’intérieur et travaillent, ou préparent le kouskouss pour le repas du soir.

Dans la rue principale se dressent, tantôt d’un côté, tantôt de l’autre, de petits comptoirs en branches de palmiers où sont offerts en vente, des ouvrages en laine et en cuir, des broderies grossières en soie, des tapis en poil de chameau, des paniers et des nattes faits avec des linéaments de palmiers, des bijoux d’or et d’argent bizarrement ciselés, des fruits, du riz et surtout des dattes.

Nous entrons dans un café, et nous nous asseyons par terre les jambes croisées comme des naturels du pays. Un Arabe, d’une propreté fort douteuse, y tient toujours, sur un petit fourneau installé dans un coin, un vase de plomb indescriptible, qui renferme la précieuse liqueur, et il nous la sert dans des tasses de faïence, qui ont peut-être servi à Mathusalem.