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Vous avez vu, sans doute, dans certaines baies sablonneuses de la mer ou de notre fleuve, des grèves immenses que la marée en se retirant a laissées à sec ? Eh bien, c’est l’aspect que présente le désert. Le sable ondule légèrement et forme une série de petites lames inégales qui se prolongent à perte de vue, et dont la surface jaune va se noyer dans un large horison bleu, qu’on croit être la mer.

Mais vous avez beau marcher, galoper, courir et courir encore, la barre bleue que vous croyez être la mer recule toujours, et l’horizon ne change jamais, et la plaine jaunâtre et onduleuse étend au loin ses dunes monotones, que le soleil embrase.

Pas un arbre, pas un brin de gazon vert pour reposer vos yeux ; seulement quelques petites touffes d’herbes desséchées que le chameau seul peut manger, et qui sont à demi enterrées par le sable que le vent charrie.

Le ciel est de plomb fondu, et pas un nuage ne vient tempérer l’ardeur du soleil. Vous vous inclinez vers la terre dans l’espoir d’y trouver quelque fraîcheur, mais le sable est un réflecteur qui vous brûle encore. Vos chevaux sont haletants ; la chaleur vous accable vous-même, et bientôt la soif se fait sentir.

Alors vous regardez au loin, et vous apercevez enfin à l’extrémité de l’horizon un point noir qui grossit, s’étend et se soulève comme une île au milieu de l’océan. Béni soit Dieu ! c’est une oasis !

Bientôt les grands palmiers se dessinent, se multiplient, s’allongent, étendent leur verte dentelle sur le ciel de feu. La joie vous envahit, vous oubliez vos