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un coup de talon brusque qui fait sonner leurs bracelets. On l’apprécierait mieux, sans doute, sans l’horrible musique qui nous déchire les oreilles.

Pour finir, la prima dona des Oulad-Naïls nous donne le spectacle d’une N’bitta. C’est le nom arabe d’une danse des Almées, que je ne saurais convenablement vous décrire.

Les poètes arabes célèbrent la beauté des Oulad-Naïls. Les uns disent que leurs sourcils sont des arcs, et leurs yeux des flèches qui percent les cœurs ; mais j’avoue que les flèches canadiennes sont plus redoutables. D’autres poètes comparent les sourcils (toujours les sourcils) des Oulad-Naïls aux traits de plume d’un savant écrivain. Eh bien, franchement, j’aurais une piètre opinion d’un savant qui n’en ferait pas d’autres.

Non, la plupart des Oulad-Naïls, et des Biskrises en général ne sont pas belles. En vérité, chez les Arabes, c’est le sexe fort qui est le beau sexe. La femme y a pris notre laideur, sans nos vertus.

Biskra est la dernière oasis où l’on trouve encore des Européens, et, comme vous tenez sans doute à voir le désert vierge et l’oasis barbare, veuillez bien me suivre à Sidi-Okba, sans nous arrêter au vieux Biskra, ni à la villa Landon. M. Landon a le bonheur d’être le fils d’un inventeur de vinaigre : et le produit de ce vinaigre lui permet d’avoir un paradis terrestre à Biskra, un château à Philippeville au bord de la mer, un palais au Caire, une villa et des jardins à Constantinople, sans compter plusieurs hôtels à Paris. Hélas ! le vinaigre dont j’assaisonne mes écrits ne me rapporte pas autant !