Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/371

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 374 —

au café more, et l’on nous y attend. Car la nouvelle s’est répandue que des touristes américains sont arrivés, et le maître du café a organisé une danse pour notre amusement. Les danseuses sont des Oulad-Naïls, courtisannes du Désert. Les Arabes sont assis par terre sur deux lignes, et, comme ils veulent nous recevoir poliment, ils nous font asseoir sur un banc de bois. Un flûtiste et un tambourineur font une musique infernale, et la danse commence, pendant que des nègres nous servent du café où il y a autant à manger qu’à boire.

Les Oulad-Naïls ne sont pas jolies ; mais ce sont des filles très étranges, et dont les toilettes sont plus étranges encore. Elles sont couvertes d’étoffes flamboyantes, et de bijoux grossièrement travaillés mais souvent de grande valeur. Elles portent généralement plusieurs colliers de sequins d’or, suivant leur richesse, qui dépend de leurs succès, des chaînettes d’argent ou d’or qui partent de leurs coiffures et se balancent sur leur poitrine où pendent des amulettes, des bracelets aux bras et aux jambes, et des boucles d’oreilles de la dimension d’un fer à cheval.

Elles sont coiffées d’une façon extraordinaire. Leurs cheveux sont mêlés à des tresses de laine, et sont relevés au moyen de fils de laiton, je suppose, de manière à former au-dessus de leurs têtes un échafaudage qui ressemble à une pyramide renversée, c’est-à-dire dont la base est en haut, — et qui dure un mois !

Quant à leur danse, c’est un mouvement assez gracieux des bras et des mains, qui déplie ou replie leur voile, un glissement des pieds plutôt qu’un pas, rythmé par