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de sable, l’immense Sahara avec ses vagues jaunâtres, ses insondables profondeurs, et ses habitants inconnus. Ce premier coup d’œil sur l’immensité du désert est vraiment saisissant, et j’en ai été profondément impressionné. Une heure après nous étions à Biskra.

Biskra est une oasis de 400,000 palmiers, sur les confins de laquelle s’élève une petite ville. Après un bon souper dans l’unique hôtel de l’endroit, nous sortons. La lune, à son premier quartier, semble accrochée comme un croissant musulman à la flèche du minaret de la mosquée. Le firmament est de velours cramoisi, piqué de diamants. Quoique nous soyons en janvier, la nuit est aussi tiède que nos belles soirées de juin.

Dans les rues peu éclairées glissent des formes blanches et silencieuses. D’autres sont couchées ou accroupies en travers des portes. D’autres encore défilent comme une procession de fantômes à la lueur d’une lanterne.

Voici un caravansérail. C’est une grande cour carrée, flanquée de galeries couvertes, qui sert de gîte pour la nuit à une caravane. Trente ou quarante dromadaires y sont réunis, les uns debout, les autres couchés, et sous les galeries latérales sont étendus ou groupés les chameliers et leurs maîtres.

Çà et là, des arabes prosternés prient Allah ! Tout à coup nous entendons une musique bruyante, et devant une porte ouverte, d’où rayonne une lumière blafarde nous voyons remuer des burnous blancs. Il y a danse