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L’aube rougit l’horizon. La route serpente dans une grande plaine de sable bornée par de hautes montagnes dont le soleil dore les sommets.

Les caravanes succèdent aux caravanes, et quelques-unes ont fait halte autour d’un feu pour prendre le repas du matin.

Il nous semble que nous sommes déjà en plein désert, et inconsciemment je me mets à fredonner un air qui me vient je ne sais d’où, et dont je ne me rappelle d’abord que quelques mesures. Mais peu à peu l’air tout entier me revient avec les mots, et je m’aperçois que je chante la marche de la caravane, de Félicien David,

Allons, trottons,
Cheminons, chantons,
Marchons gaiement
Et librement.
Dans l’air si pur,
Dans ce ciel d’azur,
Nous respirons
À pleins poumons.

Le cocher, très habile à faire claquer son fouet, dont la mèche sillonne l’air de pétillements électriques, fait un accompagnement semblable à celui des castagnettes.

Après le relai d’Aïn-Kouta, où nous prenons le café, nous entrons dans des gorges de rochers nus, ressemblant à de gigantesques remparts, dentelés de créneaux. Çà et là, quelques versants gazonnés où pendent des troupeaux de chèvres.

Après s’être éloignés, pendant quelque temps, les remparts cyclopéens se rapprochent. Ce sont des mon-