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marcher des spectres. Verrai-je encore le soleil ? Respirerai-je encore le grand air ? Courons de ce côté, et franchissons ce portique ; enfilons ce corridor, et traversons cette cour. Que de portes, grand Dieu ! que d’appartements ! que de galeries ! que de murailles ! que d’escaliers ! N’arriverons-nous jamais ?

Tiens, voici des arcades et des murs peints à fresques ; c’est donc encore le cloître ? Où va nous conduire ce couloir ? Ah ! voilà de longs vestibules et des meubles dorés ; serait-ce encore le palais ?

Là-bas brille une lumière ; plus loin verdissent des myrtes entourant une fontaine. Réjouissons-nous, nous sommes sortis !

Nous revenons à notre hôtel avec une faim inexprimable, et l’hôtelier nous improvise un déjeuner indescriptible, qui nous transforme en tambours de basque. Nous avons trois heures devant nous, avant celle du départ ; que pourrions-nous faire de mieux qu’une course à pied dans la montagne ? L’ascension est un peu pénible, mais fatiguer le corps reposera l’esprit.

Il fait un temps ravissant, et les rayons du soleil baignent les flancs de ces rochers cyclopéens.

Nous gravissons un premier sommet, d’où la vue s’étend bien loin, sur un pays accidenté mais désert. Ce matin, les vallons étaient noyés dans la brume, et ressemblaient à autant de lacs ; mais maintenant les croupes sombres des rochers, se succédant à perte de vue, nous offrent l’image des convulsions de la mer.

Un torrent dégringole de la montagne, et sur ses bords sont échelonnées des blanchisseuses, étrangement