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Passons à des spectacles plus consolants et plus dignes de l’humanité.

Au-delà des sommets qui dominent toute la ville, et qui sont couronnés par l’ancienne Kasbah des Arabes et par le fort l’Empereur, s’étendent de vastes plaines s’abaissant graduellement vers la mer. Une belle route carrossable les traverse et se prolonge assez loin dans l’intérieur. Il y a 40 ans, elles étaient à peu près désertes, et l’endroit qu’on nomme aujourd’hui Staouéli était couvert de broussailles, et peuplé de panthères, d’hyènes et de chacals. C’est alors que les Trappistes obtinrent du gouvernement un octroi de terres en cet endroit, et vinrent y jeter les fondations d’un couvent. Ils étaient peu nombreux, et presque sans ressources : aujourd’hui ils sont au nombre de 120, et leur établissement prospère dans une mesure étonnante. Les bêtes fauves ont été chassées de leur repaire, et à la place des broussailles et des tanières se déploient de grandes vignes, de belles orangeries et d’immenses champs de géraniums. Les aloès et les cactus bordent les chemins, les eucalyptus étendent leur feuillage toujours vert, et au-dessus des arbres qui bordent une large avenue, se dresse une façade sévère, couronnée de quelques statues, avec cette inscription au-dessus de sa porte : Janua cœli.

La visite de ce couvent m’a fort intéressé. Après avoir traversé une première cour, ombragée par deux grands bosquets de palmiers, j’entrai dans le cloître proprement dit, où le père, qui me servait de guide, me mon-