Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/357

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 360 —

le ciel propice. Elles apportent avec elles des couples de poulets qu’elles remettent avec une offrande à deux ou trois marabouts nègres qui sont les sacrificateurs. Ils portent le costume arabe, mais leur gandoura blanche est relevée par une ceinture rouge, où pend un grand couteau.

Ils prennent les poulets des mains de chaque femme, s’approchent d’un petit feu où brûlent des parfums, font des croix et autres figures avec les poulets au-dessus du feu, les font ensuite toucher à la tête, au dos, et à la poitrine de la femme qui les offre ; puis ils les placent par terre, les ailes étendues, mettent le pied dessus, et, les saisissant par la tête, ils leur coupent le cou à moitié, et les laissent aller. La pauvre victime sautille quelque temps en battant, de l’aile, et meurt.

Ces battements d’ailes, les contorsions de l’agonie, le temps qu’elle dure, sont observés avec soin, et ont une signification que je ne saurais vous expliquer.

La femme trempe alors ses doigts dans le sang des victimes, se trace des croix sur le front, et des anneaux de sang autour des bras et des jambes ; puis elle jette dans le feu de petites pailles, et des grains de résine, et la cérémonie, finie pour elle, recommence avec une autre femme.

Je n’ai pas vu un seul homme apporter des poulets aux sacrificateurs, qui en ont immolé une centaine sous nos yeux, et qui ont dû faire ensuite un joli festin. J’en ai conclu que cette superstition est peut-être exclusivement féminine.