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barques pavoisées la sillonnaient en s’inclinant sous leurs voiles latines.

Au loin passaient de grands vaisseaux remplis de voyageurs, et nul d’entre eux ne songeait sans doute qu’il se promenait dans le plus vaste et le plus peuplé des cimetières.

Sur le rivage et sur les versants des collines, depuis la pointe Pescade jusqu’à Alger, d’innombrables villas blanches et roses souriaient dans la verdure des jardins. Aux sommets couverts de bruyères vertes, de grands troupeaux de chèvres blanches paissaient tranquillement. Sur tous les chemins circulait, la foule, et le soleil enveloppait toutes choses de ses flots de lumière.

C’était la vie, toujours la vie, à côté de la mort, et coudoyant les tombeaux sans s’en douter.

J’ai retrouvé à Alger, comme à Tanger, des charmeurs de serpents, espèce de thaumaturges qu’on nomme Aïssaouas, et j’ai voulu assister à une de leurs représentations. Mais ce n’est qu’avec une peine infinie, et après une longue course de nuit dans des ruelles qui m’ont rappelé les cercles de l’enfer de Dante, que j’ai pu les découvrir.

Nous sommes partis sept de l’hôtel, mais nous ne sommes arrivés que trois : quatre de nos compagnons effrayés et découragés nous ont abandonnés en route.

Nous entrons dans un patio pavé de larges pierres plates, autour duquel sont assis par terre, les jambes croisées, cinquante ou soixante Arabes, parmi lesquels