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comptons quarante-huit autels, tous plus ou moins riches en tableaux, marbres et reliques, et nous visitons le cloître.

Je ne vous décrirai pas ses immenses galeries voûtées, à deux étages reliés entre eux par un escalier monumental. Je ne vous conduirai, ni dans le chœur, dont les stalles nombreuses sont maintenant abandonnées, ni dans les bibliothèques pleines de manuscrits des plus curieux, ni dans le collège et le séminaire maintenant vides, ni dans les innombrables salles du palais qui contiennent pourtant de fort belles tapisseries, un riche mobilier, et des chefs-d’œuvre d’ébénisterie et d’incrustation.

Non, toutes ces visites m’entraîneraient trop loin, et j’ai hâte d’en finir avec l’Escurial. Veuillez pourtant descendre avec moi de la salle des batailles, dans cette chambre oblongue, aux murs nus et blanchis à la chaux, éclairée par une seule fenêtre, et aux extrémités de laquelle s’ouvrent deux alcôves sombres. C’est ici que le roi Philippe ii vint passer les dernières années de sa vie, et mourir. C’est d’ici que, sombre, soucieux, il prévoyait les éclipses de la gloire espagnole, et qu’il commandait encore à l’Europe. De ce palais immense, il ne s’était réservé que ce coin sépulcral, pour s’habituer au repos de la tombe, et, du fond de cette alcôve, une baie pratiquée dans le mur lui permettait d’entendre le chant des moines, et de voir le prêtre officiant.

Allons, ne nous attardons pas dans ce tombeau ; car nous pourrions y mourir. Je suis las, je sais triste ; il me semble que dans ces sombres corridors j’entends