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soleil. Cette courbe harmonieuse où la mer vient dormir, ces magnifiques collines qui lui servent de ceinture et sur les flancs desquelles sont échelonnées de blanches villas entourées de bosquets, la chaîne des montagnes de la Kabylie, dont les sommets lointains lui forment une couronne d’azur, cette belle mer bleue sillonnée de navires qui viennent, apporter à la blanche ville des corsaires les produits de la civilisation, ce mélangé de Barbares et d’Européens qui se coudoient partout, tout cet ensemble fait d’Alger une des villes les plus originales et les plus intéressantes du monde.

Mais ce qui fait surtout l’incomparable beauté de cette ville, c’est qu’elle est presque toujours inondée de lumière. Le soleil est le grand artiste qui l’orne, la décore et la fait resplendir.

Sans doute, il y a pendant l’hiver, de temps en temps, des jours de pluie, et ces pluies sont même abondantes. Mais elles ne durent jamais longtemps ; le soleil finit toujours par percer les nuages, et dès qu’il paraît tout sourit, s’embellit, et se transfigure. Ses rayons mettent au cœur plus de gaîté que les vins les plus généreux.

Une heure après un orage, qui paraît un déluge, vous sortez et vous n’en voyez plus trace ; je me trompe, les palmiers sont plus verts, les oranges plus brillantes, les amandiers et les églantiers plus fleuris, et la lumière plus limpide.

Un poète algérien avait raison d’écrire à ses amis de France :

Pendant que de froides haleines
Glacent votre ciel obscurci,
Pendant qu’il neige dans vos plaines
Sur nos côteaux il neige aussi.