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sauve, fuyez-la, elle court après vous. Eh ! bien, la femme arabe se sauve pour faire courir après elle. Plus elle se cache, plus on désire la voir. Je donne cette recette aux rares jeunes filles qui ont envie de se marier.

Il y a donc lieu de croire que, malgré toutes les précautions prises, les jeunes gens réussissent, de temps à autres, à apercevoir de loin quelques jeunes filles, ne fût-ce que sur les toits, ou dans les cimetières où elles vont prier le vendredi sur les tombeaux des marabouts.

En tout cas, ils connaissent les chefs de famille qui ont des filles à marier, et la position sociale et financière de ces familles ; ils s’adressent donc au père, et font leur demande. Le père répond par une autre demande : combien payez-vous ? Le prix est alors débattu entre le futur beau-père et le futur gendre ; et il est payé avant l’entrevue avec la jeune fille.

Ce prix varie dans la classe moyenne entre $100 et $500. La veille du jour fixé pour le mariage, le futur est admis à voir sa fiancée, et si elle ne lui convient pas il peut se retirer, mais il perd la somme payée.

Notre guide et interprète à Tanger, qui était un bel homme, très intelligent, avait lui-même épousé sa femme sans l’avoir jamais vue auparavant, et il avait payé à son beau-père $450.

Cette coutume remonte à la plus haute antiquité, et nous en lisons des exemples dans Homère, et dans l’ancien Testament. Jacob fut bien obligé de travailler pendant sept ans pour chacune des deux filles de Laban qu’il épousa ; et si vous évaluez les services d’un homme de confiance comme Jacob, vous conviendrez que le beau-père ne lui avait pas donné ses filles gratis.