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Pendant ce temps-là, mon compagnon de voyage et moi, que notre sexe condamne à rester à la porte, regardons de loin, du haut des murailles de la Kasbah, un grand nombre de femmes arabes montées sur les terrasses des maisons pour voir passer la procession, et qui s’y promènent comme de blancs fantômes.

C’est le moment de vous dire un mot des maisons et des femmes arabes.

Ces maisons n’ont pas de fenêtres sur la rue. Elles forment un carré, avec une cour intérieure comme un cloître, et c’est sur cette cour que s’ouvrent les fenêtres. Les rues des villes arabes ne sont donc en réalité que des couloirs, resserrés entre deux murailles blanchies à la chaux dans lesquelles sont percées de distance en distance des portes basses soigneusement verrouillées que le mari seul peut ouvrir.

Toutes ces habitations, vues du dehors, sont semblables et de pauvre apparence. Mais si vous pouvez y pénétrer, l’intérieur, chez les riches et les grands, vous causera de ravissantes surprises. Derrière ces murs blanchis, vous trouverez souvent des œuvres d’art remarquables, des promenoirs pavés en mosaïque, des colonnades de marbre imitées de l’Alhambra, des murs en stuc artistement sculptés, ciselés et peints des plus riches couleurs. Au milieu d’un patio, entouré d’arbustes en fleurs et d’orangers chargés de fruits, vous verrez un jet d’eau s’épanchant dans une vasque de marbre.

Vivant au milieu de gens cupides et sensuels, qui n’ont parfois d’autres lois que leurs passions, et qui disposent du pouvoir, l’Arabe cache sa richesse, son bien-être, son luxe, comme il cache ses femmes.