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Nous finissons par tout lâcher, et nous suivons nos brigands à l’hôtel.

On nous y apprend que c’est un jour de marché d’esclaves, et nous courons au Zocco. Mais ce commerce va diminuant dans le Maroc, et deux esclaves seulement avaient été vendus ce jour-là, une vieille femme, et une jeune fille de 15 ans qui avait été donnée pour $30.00, malgré que le vendeur eût bien vanté sa marchandise, et montré qu’elle était saine, bien faite, robuste, et avait de belles dents.

Je renonce à vous décrire le versant de colline où se tient le Zocco. C’est un tohu-bohu incroyable où les hommes, les femmes, les enfants, les ânes, les mulets, les chèvres, les moutons, les chameaux, semblent vivre tous en famille dans une promiscuité indescriptible ; et au milieu de tout cela sont entassés des denrées, des légumes, des fruits, du poisson, des armes, des étoffes et des marchandises de toutes sortes.

Ça et là, de curieux spectacles. Ici un charmeur de serpents entouré d’une bande de curieux. Au centre du cercle brûle un petit feu, et le charmeur gambade autour en poussant des cris sauvages, et en tourmentant des serpents qu’il agite en l’air, qu’il enroule autour de son cou, ou qu’il enfouit dans sa chemise. Il a les yeux hagards et flamboyants, les cheveux longs et flottants, avec des anneaux de serpents qui lui font une tête de Méduse.

Tout-à-coup sa ronde frénétique s’arrête ; et après de nouveaux cris et de nouvelles gambades, il saisit par la tête le plus gros des serpents et lui donne sa langue