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lui échapper en 1871, et quand la France se trouvera engagée dans quelque grande guerre sur le continent européen, les tribus Arabes accourront du désert et tenteront de lui ravir son magnifique joyau africain. L’Angleterre a aussi obtenu des succès sur le littoral de l’Égypte : mais ses heureux débuts ont été suivis d’une campagne moins fortunée au Soudan. Ses chances seront-elles meilleures plus tard ? Espérons-le. Mais je ne viens pas vous parler de ces grandes questions, et je veux simplement vous communiquer des notes de voyage dans lesquelles je ne pourrai décrire qu’un petit coin du continent africain.

Comme beaucoup d’hommes — et il paraît qu’on peut en dire autant de beaucoup de femmes — je me sens attiré par les choses mystérieuses, et c’est avec une espèce de nostalgie que je contemplai l’Afrique, lorsqu’elle m’apparut, à quelques milles de distance, des sommets sourcilleux de la forteresse de Gibraltar. Je ne pus résister à la force d’attraction de cet inconnu, dont je sentais le voisinage, et comme j’avais des compagnes de voyage qui ne manquaient pas non plus de curiosité, nous ne fûmes pas lents à traverser le détroit. D’ailleurs, l’Espagne semble être une prolongation de l’Afrique, et l’étude de celle-ci aide à comprendre celle-là.

En quelques heures, le steamer Manoubia avait franchi le détroit, et jetait l’ancre devant Tanger, une des villes les plus importantes du Maroc, que l’Angleterre, la France et l’Espagne contemplent d’un œil d’envie !