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long, la barbarie a reconquis le terrain perdu. N’y a-t-il pas là un singulier problème ?

Il fut un temps où les aigles romaines planaient sur une vaste étendue de ce continent, où les légions invincibles des Césars y construisaient de grandes voies militaires, y bâtissaient des villes florissantes, y érigeaient des temples, des amphithéâtres et d’admirables aqueducs. Tout cela est disparu, et l’Arabe errant dresse aujourd’hui sa tente au milieu des ruines.

Il fut un temps où les apôtres de l’Évangile, fécondant de leur sang les conquêtes romaines, y multipliaient les chrétiens, y bâtissaient de nombreuses églises, y créaient de vastes diocèses, et y comptaient plus de cent évêques. La barbarie a détruit tout cela ; et de la florissante Carthage où saint Cyprien réunissait deux Conciles, et de la chrétienne Hippone que saint Augustin illustrait par 35 années d’un admirable épiscopat, il n’est pas resté pierre sur pierre.

Des hommes vraiment grands, des conquérants à qui il semble que rien ne pouvait résister, un saint Louis, un Charles-Quint, un Bonaparte, ont tour à tour promené leurs armées victorieuses sur ces plages inhospitalières ; qu’en ont-ils rapporté ? À peine quelques lauriers douteux. Les États européens qui font aujourd’hui de nouvelles tentatives pour s’emparer de ces contrées barbares seront-ils plus heureux ? Peut-être ; mais s’ils réussissent jamais, soyez bien convaincus que ce sera au prix de grands sacrifices, et après bien des revers.

Il y a 50 ans que la France a conquis l’Algérie, et cette conquête n’est pas encore définitive. Elle a failli