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différence ce sont les limbes ; mais je ne demande pas à l’amour une joue basanée, je lui demande une joue de lis et de rose ! ô jeune fille aux yeux bleus que je vis dans mon village, pleurant d’amour et de mélancolie, quand le triste soleil des morts dorait la crète de la sierra, j’aime ton amour et ta tristesse ».

Tel est l’accent qui domine dans les chansons du poète. Une douce mélancolie gonfle son cœur chaque fois que sa pensée revient au village où s’écoula son enfance.

Citons encore cette page :

« Bien des fois, rêvant de mon pays, car c’est mon rêve de tous les instants, je me représente le moment où Dieu permettra que je retourne à mon vallon natal. Quand ce moment sera venu, il y aura déjà des rides à mon front et des cheveux blancs sur ma tête.

« Je choisirai un jour de fête pour arriver à ma chère vallée, et, au détour de la colline, d’où on la découvre tout entière, j’entendrai sonner les cloches de la grand’messe. Comme elles retentiront doucement à mon oreille, ces cloches, qui tant de fois me remplirent de joie dans mon enfance !

« J’avancerai dans le vallon, le cœur palpitant, la respiration haletante et les yeux remplis de larmes d’allégresse. Là, je verrai apparaître, avec son clocher blanc et sonore, l’église où sur le front de mes pères et sur le mien fut versée l’eau sainte du baptême…… la petite maison blanche où nous naquîmes tous, et mon aïeul et mon père, et mes frères et moi……