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« La colline du midi se soulève légèrement à droite, et celle du nord à gauche, comme pour protéger des deux côtés le petit village de Cabia, et Cabia, ainsi abrité, vit content, tranquille et heureux. Les hommes l’oublient, mais Dieu se souvient de lui, et il n’en demande pas davantage ».

Le conteur a gardé l’amour du clocher, et il se complaît à rappeler les jours de son enfance.

Dans ses chansons, il a chanté ses jeunes amours avec une naïveté et une grâce charmantes. On en jugera par celle-ci :

« Les jeunes filles au teint de neige, et à la blonde chevelure, sont de jolies petites fleurs, mais de petites fleurs sans parfum. Enfants glacés du Nord, aimez-les, rien de mieux, elles doivent vous plaire comme la neige de vos sierras ; mais, en Castille, nous aimons les jeunes filles aux brunes joues, nous voulons des âmes ardentes comme ce soleil qui nous brûle. On nous représente Jésus brun, et brune aussi Madeleine. Brunes ont été assurément Azulema la Grenadine, et Isabelle l’Aragonaise, et la Castillane Chimène, qui laissèrent une mémoire éternelle dans les annales de l’amour. Elles sont brunes aussi, les jeunes filles de mon pays, brune est la belle que j’adore ; vivent les brunes !

« Ainsi demandant à l’histoire des arguments qu’elle leur refuse, les chansons du midi exaltent les brunes, ainsi le peuple de Castille prête la couleur de l’ébène à votre blonde chevelure, ô Jésus ! ô Madeleine ! Moi, Anton le chanteur, je naquis comme eux dans cette patrie bienheureuse, où l’amour c’est le paradis, où l’in-