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On comprend qu’il finit par abandonner le magasin, et par se livrer entièrement à ses chers travaux littéraires. Il collabora à plusieurs journaux pour gagner le pain quotidien, et pendant ses nuits il faisait des chansons dont il a publié un volume, et des nouvelles qui ont pour titre « Contes couleur de rose ».

Les souvenirs du pays natal y abondent, et ses descriptions sont toujours des peintures naïves et charmantes des vallées et des collines où s’écoula son enfance.

Lisez cette description du hameau de Cabia, qui signifie nid en langue basque, et qui se compose de dix ou douze maisons blanches comme la neige et d’une modeste église, groupées dans un ravin, au bord d’un torrent que deux collines ombragent :

« Le torrent court entre elles, se plaignant tout haut de l’âpreté du chemin, et roulant comme une pierre détachée de la pointe de Pico-Cinto ou Colisa, comme pour se hâter de franchir le mauvais pas ; mais, arrivé à la dernière pente des collines, son murmure est déjà moins haut, sa colère jette moins d’écume, et quand il arrive tout en bas, c’est à peine si on l’entend.

« Au pied des collines, le torrent ne murmure plus : il sourit et gazouille agréablement, parce que là il rencontre des noyers et des cerisiers dont l’ombre le repose de ses fatigues, des lèvres fraîches et souriantes qui l’effleurent, de beaux vergers parfumés de la fleur des arbres fruitiers, entre lesquels il va faire un tour pour se distraire et recevoir les ovations des pêchers et des pommiers qui lui jettent leurs fleurs à pleines mains.