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nement de son pays lui vint en aide, et le chargea d’une mission en Italie. Puis il écrivit dans quelques journaux, et publia ses Souvenirs. Enfin son ami, Emilio Castelar, réclama pour lui dans les Cortès, à titre de récompense nationale, une pension viagère qui lui a été accordée.

Son Don Juan Tenorio est, parmi ses œuvres dramatiques, celle qui lui a obtenu le plus de succès. Mais il ne travaille plus guère pour le théâtre, et il fait aujourd’hui des légendes qui rappellent le vieux romancero.

Nous en trouvons une charmante, traduite en quatrains par Boris de Tannenberg et publiée dans la Revue Bleue. Elle est intitulée « Le Christ de la Vega ».

La scène se passe à Tolède, au bon vieux temps des aïeux, alors que Don Pedro d’Alarcon, gouverneur, rendait la justice. Une femme, voilée de crêpe, vient se jeter à ses pieds et demande qu’on fasse droit à sa plainte. Un noble officier l’a séduite en jurant de l’épouser, et l’a depuis abandonnée.

L’officier, nommé Diego, est appelé, et interrogé. Mais il fait serment que cette femme en a menti.

— As-tu des témoins ? demande le juge à la malheureuse Inès.

— Hélas ! je n’en puis avoir, répond la pauvre femme ; et le juge est obligé de décharger don Diego, le traître.

L’officier tourne le dos
Et, son grand manteau flottant,
Fier, toisant tous les badauds,
Il s’éloigne en sifflottant !