Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/305

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 306 —

Marica.

Que je ne montre pas mon honneur à tout le monde, voilà une histoire !

Diego.

Quelle mule tu fais, Marica ! L’honneur en question est un honneur moderne, commode, et divertissant au possible ; un honneur enfin qui n’a rien de mauvais, qui n’est pas bon non plus, qui va comme il peut son chemin, droit ou tortu, qui aux uns paraît blanc, qui aux autres paraît noir, mais qui généralement attire l’admiration et l’estime. Comprends-tu ?

Marica.

Pas un traître mot.

Diego.

Écoute, je vais prendre un exemple. Suppose que je ne suis pas ton mari, que je suis à cent lieues de l’être, et que tu es la femme d’un autre ; que nous nous rencontrons par hasard, que je te donne dans l’œil et te dise : quel grand air ! quels yeux si beaux ! qu’ils sont agréables ! et qu’ensuite je te dise : Madame, en vous voyant je me sens mourir. Ah ! que va-t-il advenir de ma vie ? et que je te conseille et te presse de payer mes galanteries……

Marica.

Eh bien ! suppose à ton tour qu’en écoutant cela je deviens toute rouge, que je me lève de mon siége et te réponds que tu es un homme ennuyeux et sans vergogne.