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il lui a conquis, dans la littérature de son pays, une place que, sans s’appauvrir elle-même, elle ne pourra plus lui enlever. »

Ramon de la Cruz a trois genres de saynètes. Les uns sont une peinture des mœurs du peuple. Dans d’autres, il a mis en relief les caractères généraux de l’humanité. Dans un certain nombre, il a donné libre carrière à la fantaisie.

Une de ses compositions de ce dernier genre, intitulée « Les hommes devenus sensés, » est très curieuse et originale. L’auteur y représente les hommes s’éveillant un beau matin vraiment raisonnables, et ne parlant plus, n’agissant plus que suivant les règles de la droite raison. Jugez de l’embarras et de l’ennui des femmes qui sont complètement dépaysées, et qui ne reconnaissent plus leurs prétendus maîtres sous un pareil travestissement,

Elles s’opposent obstinément à l’introduction de cette étrange nouveauté, et finalement les deux partis transigent. Les femmes conviennent qu’un peu plus de jugement dans la conduite ordinaire de la vie ne gâterait rien, et les hommes reconnaissent que la raison ne saurait durer toujours, et que la vie ne serait pas gaie si tout le monde était toujours raisonnable,

Tout cela n’est-il pas bien nature ?

Un autre saynète, sous ce titre « Le Pique-nique » ridiculise une coutume vicieuse qui existe un peu partout, même en Canada. Il s’agit d’un jeune ouvrier qui va se marier, et qui veut dire un dernier adieu au plaisir, ou, comme on dit ici, enterrer sa vie de garçon ;