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de l’esprit d’observation et de la verve comique. Ses principales comédies, le Vieillard et la Jeune Fille et le Oui des Jeunes Filles ont obtenu des succès dans toute l’Europe.

Quintana, Lista, Arriaza, Hermosilla furent aussi des poètes remarquables de la fin du siècle dernier.

Mais toute la littérature de ce siècle manque d’originalité et de couleur nationale. On n’y retrouve plus la vieille Espagne, avec ses mœurs rudes, ses fortes croyances, son orgueil de caste et son honneur intransigeant.

« L’Espagne se consola, dit un de ses critiques les plus érudits, Agustin Duran, en se disant que l’Europe après tout avait eu le même sort, et qu’à cette époque le théâtre anglais, le théâtre allemand, le théâtre italien, en proie au même fléau anti-national, ne présentaient aussi que de pâles reflets de l’école classique française. Les Espagnols, et les Italiens dont le caractère et les coutumes se rapprochent davantage des nôtres, eurent même cet avantage qu’ils eurent, les premiers un Moratin, les seconds un Alfieri.

« Quoi qu’il en soit, le drame ancien une fois oublié, et une fois admis le système classique, il fallut bien accepter toutes ses conséquences, et nous accommoder à ses formes, quelques restreintes, étroites et empiriques qu’elles fussent. Dans notre système dramatique étaient entrés tout le naturel, tout le caractère, tout le savoir de la nation. Il était pour nous ce qu’étaient la Bible : pour les Hébreux, l’Iliade et l’Odyssée pour les Grecs, c’est-à-dire l’index et le résumé, où se trouvaient le