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devaient avoir singulièrement avancé la civilisation dans l’intervalle qui s’est écoulé entre le règne de Philippe II et celui de son petit-fils. La décence de l’expression, non-seulement dans les pièces de Calderon, mais dans celles de ses contemporains, suffirait pour prouver combien la société avait reçu d’amélioration sous ce rapport. »

Quoiqu’il ait inventé et dénoué dans ses comédies beaucoup d’intrigues amoureuses, ce n’est pas dans ce genre que Calderon réussissait le mieux. Je crois même qu’en cultivant ce genre il a obéi moins à ses goûts qu’à ceux du public et aux mœurs de son époque.

« Je crois, avec Schlegel, que c’est dans les compositions religieuses que les sentiments de Calderon se déploient avec le plus d’abandon et d’énergie.

« Il n’a peint l’amour terrestre que sous des traits vagues et généraux. Il n’a parlé que la langue poétique de cette passion. La religion est son amour véritable, elle est l’âme de son âme, ce n’est que pour elle qu’il pénètre jusqu’au fond de nos cœurs, et l’on croirait qu’il a tenu en réserve pour cet objet unique nos plus fortes et nos plus intimes émotions. Ce mortel, favorisé s’est échappé de l’obscur labyrinthe du doute, et a trouvé un refuge dans l’asile élevé de la foi.

« C’est de là qu’au sein d’une paix inaltérable il contemple et décrit le cours orageux de la vie. Éclairé de la lumière religieuse, il pénètre dans les mystères de la destinée humaine ; le but même de la douleur n’est plus une énigme pour lui, et chaque larme de l’infortune lui paraît semblable à la rosée des fleurs dont la