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Le vieux roi lui répond en le pressant sur son cœur, et en lui remettant son sceptre et sa couronne.

Et comme il faut que toute comédie finisse par le mariage, le prince épouse Estrella, dont le rôle dans cette pièce n’est que secondaire.

Schlegel, parlant des comédies de Calderon, dit : « elles finissent par le mariage comme celles des anciens. Mais combien tout ce qui précède ce mariage n’est-il pas différent ! Dans les pièces anciennes on se sert de moyens très immoraux pour satisfaire des passions sensuelles où remplir un but égoïste ; les hommes épient leurs faiblesses mutuelles et se combattent avec leurs forces morales, comme s’ils luttaient avec leurs forces physiques.

« Dans les pièces espagnoles, au contraire, on voit régner cette ardeur passionnée qui ennoblit toujours les désirs de l’homme, parce qu’elle les met hors de proportion avec toute jouissance matérielle…… L’honneur, l’amour et la jalousie sont les ressorts de ces comédies. Le jeu hardi des passions les plus généreuses forme le tissu de l’intrigue, et aucune fourberie vulgaire n’y vient mêler ses fils grossiers. L’honneur est toujours un principe idéal, car il repose sur cette morale élevée qui consacre les principes des actions, sans avoir égard aux conséquences…… Caldéron donne aussi aux femmes un sentiment d’honneur également prononcé, qui l’emporte sur l’amour ou tient sa place à côté de lui. Ne pouvoir aimer qu’un homme irréprochable, l’aimer avec une pureté parfaite, ne souffrir aucun hommage équivoque, aucune atteinte à la dignité la plus sévère, voilà