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même, je rêve que je suis ici chargé de fers, comme je rêvais naguère que je me voyais riche et puissant. Qu’est-ce que la vie ? Une illusion, une fiction. Et c’est pourquoi le plus grand bien est bien peu de chose, puisque la vie n’est qu’un rêve, et que les rêves ne sont que des rêves. »

Mais une révolution éclate, et les rebelles, voulant secouer le joug du vieux roi, viennent offrir le sceptre et la couronne au malheureux prince.

Sigismond.

« Qu’est-ce donc, grand Dieu !…… Vous voulez encore que je rêve de grandeurs qui s’évanouiront le lendemain ! Vous voulez qu’une fois encore mes yeux aperçoivent je ne sais quelle vaine apparence de majesté et de pompe qui va disparaître au moindre souffle ! Vous voulez qu’une fois encore je m’expose à un pareil désenchantement et que je coure ces dangers inséparables du pouvoir ! Non, cela ne peut pas être, cela ne sera pas… Regardez-moi désormais comme un homme soumis à sa fortune ; et puisque je sais maintenant que la vie n’est qu’un rêve, disparaissez, vains fantômes, qui pour m’abuser avez pris une voix et un corps, et qui n’avez en réalité ni voix ni corps ! Je ne veux point d’une Majesté fantastique, je ne veux point d’une pompe menteuse, je ne veux point de ces illusions qui tombent au premier souffle, — semblables à la fleur délicate de l’amandier, que le plus léger souffle emporte au loin, et qui laisse alors tristement dépouillées ces branches dont ses couleurs charmantes faisaient le gracieux orne-