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nement. C’est le but qu’il s’est proposé sans doute dans une de ses pièces les plus curieuses intitulée : « La vie est un songe. »

Un roi de Pologne, très savant et surtout grand astrologue, a un fils qui a reçu en naissant le nom de Sigismond. Mais ce fils est né au moment d’une éclipse de soleil, et sa mère est morte en lui donnant le jour.

C’est un fâcheux pronostic pour le roi, et, en consultant ses livres et les astres, il croit découvrir que cet enfant sera le prince le plus cruel et le monarque le plus impie, qu’il renversera son père du trône, et gouvernera mal son peuple.

Alors il fait publier que son fils est mort en naissant, et il le relègue dans une tour solitaire bâtie sur un rocher, dans des montagnes inaccessibles. C’est au milieu de ce désert que l’enfant grandit, sans autre société qu’un vieillard qui lui enseigne les sciences et l’instruit dans la foi catholique.

Mais un jour le roi entend les cris de sa conscience qui lui reproche sa conduite, et réunissant sa cour il raconte tout, et décide de tenter une expérience. Il va faire transporter son fils pendant son sommeil, de sa tour solitaire au palais ; il va l’installer sur son trône et lui laisser croire quand il s’éveillera qu’il est le roi.

Si son fils se montre alors prudent, sage et bon, il le gardera près de lui et le fera bientôt roi légitime ; mais s’il se montre orgueilleux, intraitable et cruel, il le fera renfermer de nouveau pendant son sommeil dans la tour solitaire. Ce ne sera plus alors une cruauté, mais un châtiment.