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clartés : et s’il faut enfin que l’aurore se montre, qu’elle ne laisse voir que des larmes ! Et toi, soleil, prolonge ton séjour dans le sein des mers écumantes ; souffre pour cette fois du moins que l’empire douteux de la nuit dure quelques heures de plus. Soleil, sois sensible à ma prière ; fais en sorte qu’on puisse dire que tes faveurs sont volontaires, et non l’effet d’un ordre invariablement établi »…

Il est un sentiment qui domine dans toutes ses œuvres, et dont il ne se départit jamais ; c’est celui de l’honneur. Le noble et le roturier ne l’entendent pas de la même manière, mais tous proclament bien haut qu’ils le possèdent et sont fidèles à le défendre.

— « L’honneur ne s’achète pas, dit un noble hidalgo. Le roturier qui s’achète un titre de noblesse, ressemble à l’homme chauve qui porte une perruque. Je ne veux pas d’un honneur postiche. »

Un simple bourgeois lui dit : « Je saurai défendre mon honneur au péril de ma vie.

— L’honneur d’un vilain !

— Est le même que le vôtre, reprend le bourgeois ; nous devons sacrifier pour le roi nos biens, notre vie ; mais l’honneur, c’est notre âme : elle n’appartient qu’à Dieu ! »

Les brigands eux-mêmes parlent et agissent suivant les notions qu’ils ont de l’honneur. Il y avait jadis dans la Sierra Morena une bande de voleurs qui ne prenaient aux passants que la moitié de l’argent qu’ils avaient.

On sait que pendant plus de sept siècles les Castillans ont fait la petite guerre contre les Mores. Ils étaient