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Voulez-vous savoir quelle est la religion d’une duègne ? — « C’est de parler, répond Calderon ; ce serait une apostasie si elle s’avisait de se taire.

« Plutôt que de faire ce que vous demandez, dit une de ses héroïnes, je perdrais la vie. » — « Et moi, dit une autre, je resterais fille, ce qui est bien plus pénible encore. »

Ce qui est à la fois curieux et intéressant dans les œuvres de Calderon c’est l’extrême variété des personnages, et les styles différents qui s’adaptent aux divers sujets qu’il traite,

Parfois sa manière a les fadeurs et les préciosités qui distinguaient ses prédécesseurs et les écrivains français de cette époque ; c’est ainsi qu’il fera le portrait d’une belle : « chaque tresse de sa blonde chevelure est un rayon de soleil ; sa peau blanche et fine a la fraicheur et l’éclat de la neige ; ses sourcils sont deux arcs-en-ciel, ses yeux des étoiles brillantes, ses joues des roses entourées de jasmin, ses dents des perles du plus bel orient, son cou un bloc d’ivoire gracieusement arrondi, sa taille celle d’une nymphe »…

D’autres fois, son style se rapproche plutôt du genre romantique, et, comme les dramaturges de nos jours, il associe la nature physique aux sentiments de ses héros. Ainsi, dans l’Alcade de Zalaméa, Isabelle s’écrie sur un ton lyrique : « Ô jour, ne viens plus éclairer le monde… Ô vous dont le règne ne dure qu’une nuit, fugitives étoiles, ne permettez pas que l’aurore vienne si tôt vous remplacer dans la plaine azurée du ciel ; son aimable sourire et ses larmes ne valent point vos douces