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Il fut presque aussi précoce que Lope de Véga, et il fit à l’âge de treize ans une comédie intitulée « Le char du ciel » el Carro del Cielo.

Il n’était pas mieux doué, mais il profita des œuvres de ses devanciers, et ses comédies sont plus parfaites de forme. Lope de Véga fut plus fécond ; car il fut un prodige, sous ce rapport. Mais Calderon a plus d’élévation dans les conceptions, plus de vigueur dans la création des caractères, et il n’a pas moins de verve et d’esprit.

Sa vie ne fut pas moins aventureuse que celle de son émule. Il fut d’abord avocat ; puis il entra dans l’armée, et finalement il devint prêtre. Mais dans chacune de ces trois carrières il fit des comédies, et les succès qu’il obtint furent immenses. Nul n’a mieux que lui mis en action le castigat ridendo mores des anciens. Tous les défauts des hommes, et en particulier ceux des Espagnols, ont trouvé en lui un censeur malin et spirituel. Mais sa critique n’est jamais acerbe, et ses épigrammes sont rarement blessantes. Le poète est bienveillant, mais perspicace et de joyeuse humeur.

Écoutez ces traits satyriques dirigés contre l’hidalgo vaniteux qui regarde tout roturier avec un souverain mépris, et auquel le travail paraît avilissant.

Don Mendo — c’est son nom — est si pauvre qu’il dîne bien rarement ; mais il ne veut pas admettre qu’il ait jamais faim. « Que la canaille éprouve ce besoin, dit-il, à la bonne heure ; mais nous ne sommes pas tous égaux : un homme de ma classe peut se passer de dîner. »