Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/257

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 258 —

« Écoutez-moi, seigneur. Je ne vous dirai pas les projets de votre père, la fuite de votre sœur, sa présence dans notre maison, l’amour de mon fils, vous avez su tout cela : vous avez su aussi la manière dont votre auguste père reconnut sa fille et autorisa son mariage avec mon fils ; vous étiez alors en Portugal ; votre père mourut, vous avez hérité et êtes revenu à Léon. Je vous ai envoyé mes félicitations et mes présents, vous les avez dédaignés parce que l’humble mariage de l’infante, votre sœur, vous a toujours déplu. Pourtant le comte de Castille, vive Dieu ! ne vaut pas mieux que Tello de Meneses ni aucun de ceux qui sont nés sur la terre dont la mer d’Espagne entoure les deux rives sous la voûte du firmament ; car je descends de ce Goth qui fut un prodige et un rayon, de ce Goth que le ciel engendra pour la destruction des Maures. Son sang coule dans mes veines, je suis une étincelle de cette foudre ! Si j’ai vécu parmi de rudes laboureurs, qu’ont perdu à cela mes écussons de noblesse ? Les blasons, les armoiries, les titres de mes aïeux ne redoutent pas le temps, et l’oubli ne peut les recouvrir. Les aïeux de Dieu ont été des pasteurs, et puisqu’il s’honore de cette condition, la plus ancienne et la plus noble du monde, l’homme peut bien honorer ce qu’estime Dieu lui-même ! Vous avez enlevé à l’infante son mari, contre la loi de Dieu, mais si vous avez quelque crainte, bien qu’elle soit injuste, rendez-nous l’infante et je vous donnerai mon petit fils ; élevez-le comme vous le trouverez bon, mais ayez une meilleure idée de ma fidélité ; nous ne sommes pas tous des rois, mais tous nous sommes les