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les forêts où chantent les petits oiseaux, peints de cent couleurs ! Ne vantais-tu pas les nuits dont les heures sans horloge s’écoulaient si tranquilles ? Vit-on jamais les carrosses circuler dans les ornières que creusent les humbles charrettes, quand leurs roues, en brisant les ardoises, imitent le bruit des cigales ? Ne disais-tu pas que l’âme ne rencontrait la paix que dans la solitude ? Qui donc a amené la cour dans ce désert, qui ressemblait à une thébaïde ? Qui a greffé dans nos habitudes le titre de seigneurie ? Tello, il faut pourtant se résigner ; puisque tu as voulu, avec tant d’imprudence, trancher du grand seigneur, sache que l’inquiétude en est la première condition, et que la grandeur est une fatigue sous le voile de la courtoisie.

Cependant, le baptême de l’enfant vient d’être célébré avec faste, lorsque le roi survient avec une escorte et emmène sa sœur à la cour, en déclarant qu’il va rompre son mariage.

Le vieux Tello proteste, l’infante résiste, mais le roi invoque la raison d’État. Il n’a pas d’enfants, et il ne veut pas qu’un Tello hérite de la couronne d’Espagne.

Il va donc consulter les évêques de Léon et d’Alviédo, et l’archevêque de Saint-Jacques ; mais les évêques répondent qu’ils ne peuvent annuler le mariage, et la chose est référée à la cour de Rome.

Sur ces entrefaites, le vieux Tello va, avec son petit fils Garcia Tello, rendre visite au roi, et il lui adresse ce discours qui révèle toute la grandeur et la noblesse de ce caractère :