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Le roi de Léon croit que sa fille est morte, et, un jour, il écrit au vieux Tello, qu’il sait riche et dévoué, de lui prêter vingt mille ducats, pour l’aider à soutenir la guerre contre le roi de Cordoue.

— Tu lui en porteras quarante mille, dit le vieillard à son fils, vingt que je lui prête et vingt que je lui donne.

Naturellement le roi est charmé. Il nomme le jeune Tello alcaïde, et le père, seigneur de haute et basse justice. Il promet même d’aller quelque jour faire visite au vieux Tello.

Il s’y rend en effet, reconnaît sa fille, qui lui avoue son amour pour Tello, fils, et consent à leur mariage.

Neuf ans après le roi meurt, laissant le trône à son fils Alphonse, qui ne paraît pas disposé à conserver des relations amicales avec les Tello de Meneses. L’infante, qui a déjà un fils de huit ans, vient de mettre au monde un autre fils, et le roi, prié d’être le parrain de l’enfant, a refusé froidement.

Le vieux Tello en est profondément blessé et affligé. Il se rappelle son bonheur paisible d’autrefois, et il exhale sa plainte :

— Oh Tello ! comme tu vivais autrefois tranquille, toi seigneur de la montagne que la mer espagnole entoure et défend comme par un mur éternel ! Quelle destinée trompeuse est venue loger les chevaux des rois dans l’écurie de tes bœufs ! Toi-même ne te vantais-tu pas de te réveiller, chaque jour, avec la blanche aurore, pour voir le vert encadrement où court la fontaine sonore à la voix de cristal, les blés où murmurent les grillons,