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Le roi le fait manger à sa table, nomme son fils gouverneur de Paris, marie sa fille avec un grand seigneur, et pour punir le vieillard de n’avoir pas voulu le voir auparavant, il le condamne à le voir désormais tous les jours, en le faisant son majordome.

La comédie ne dit pas si le majordome fut heureux ; mais je suis bien sûr qu’il a dû regretter souvent ses champs couverts de moissons et la vie paisible de son village.

Une autre comédie, qui a aussi son côté champêtre et qui est tout à fait remarquable, met en scène les plus nobles et les plus fiers caractères qu’il soit possible de rencontrer parmi les paysans, les Tello de Meneses.

Il y a tant de beautés dans cette pièce que je ne puis résister à la tentation de l’analyser. Elle prouve d’ailleurs que l’on a eu bien tort de soutenir que Lope de Véga ne savait pas dessiner des caractères.

Le roi de Léon a voulu marier sa fille, l’infante Elvire, au roi maure de Cordoue et de Tolède. Pour échapper à ce mariage odieux l’infante s’est enfuie, et pour échapper à la misère elle s’est mise en service chez des laboureurs puissamment riches, les Tello de Meneses. Elle a pris le nom de Juana, et personne ne connaît son origine.

Tello, le vieux, a un fils de vingt ans remarquable par son intelligence, par ses goûts distingués et ses hautes aspirations. Sous l’habit de la servante il a deviné la femme noble et distinguée, et il en devient éperdûment amoureux. L’orgueil de l’infante la protège quelque temps contre cet amour ; mais elle finit par s’éprendre elle-même du jeune Tello.