Page:Routhier - À travers l'Espagne, lettres de voyage, 1889.djvu/253

Cette page a été validée par deux contributeurs.
— 254 —

LE ROI.

Vous m’étonnez vraiment.
Quoi ! Si le roi jamais avait besoin d’argent,
Vous le lui prêteriez ?

JEAN.

Oui, toute ma fortune,
M’eût-il fait mille torts ! Tout ce que nous avons
N’est-il pas bien à lui, si nous le lui devons ?
Il veille, tout armé, pour la cause commune,
Il nous garde, et son bras nous conserve la paix.

LE ROI.

Allez le voir, il peut vous anoblir.

JEAN.

Jamais.
Car je n’en suis pas digne, et sachez-le quand même,
Pour moi, ce petit coin est le bonheur suprême.

Le roi admire de plus en plus. Il prend le souper avec le laboureur, et fait la connaissance de toute sa famille.

Mais, après la chasse, une fois rentré dans son palais, il veut mettre à l’épreuve le dévouement de Jean, et lui envoie demander cent mille écus. Le laboureur s’exécute de bonne grâce.

Plus tard, il lui fait demander son fils pour un poste à la cour, et sa fille pour être dame d’honneur. C’est un sacrifice immense pour le vieux Jean, mais il s’y résigne en pleurant.

Enfin le roi lui envoie l’ordre de se rendre lui-même au palais, et l’on peut imaginer sa confusion et son embarras, quand il reconnait dans le roi le gentilhomme auquel il a donné l’hospitalité.