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Du travail de leurs mains, et rois sont encore ceux
Dont le cœur est loyal, sincère et généreux.
Des lois je reconnais la suprême puissance,
Et j’obéis au roi, comme à Dieu, sans le voir.
Il est, nous le savons, ici bas son image
Et je l’aime beaucoup ; mais, né dans ce village
Moi, montagnard, j’irais affronter ce pouvoir,
Ce vice-roi de Dieu ! Non, c’est une folie !
Le curé, l’autre jour, en prêchant, nous a dit :
Que deux anges du ciel le gardent jour et nuit
C’est son opinion……, sans compter, je vous prie,
Toute la garnison de son infanterie.

Et le brave laboureur continue, protestant de son dévoûment au roi, se déclarant prêt à lui donner tout ce qu’il a, mais refusant toujours d’aller le voir :

Nous ne regardons pas le soleil face à face,
Quand il répand sur nous ses rayons lumineux ;
Le roi, c’est le soleil, devant qui je m’efface ;
Le regarder de près c’est se brûler les yeux.

Mais Jean le Laboureur a beau se cacher, le roi a entendu parler de lui, et désire le voir.

Il quitte donc la chasse, et vêtu comme un simple gentilhomme, il vient seul frapper à la maison de Jean qui le reçoit très poliment, sans soupçonner un seul instant que c’est le roi :

JEAN.

Monsieur, prenez ce siège.

LE ROI.

Oh ! non pas, je vous prie.
Asseyez-vous d’abord.

JEAN.

Quelle cérémonie !
La chaise et la maison sont à moi, Dieu merci,