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venue… convertis à la foi par tes accents tout ce pôle barbare.

Terrazas : Navire sur lequel la vie a traversé la mer de la mort… linceul encore rougi du sang innocent… linceul glorieux et vénéré, sois notre guide et notre bannière parmi les peuples sauvages.

Cette scène qui devait être d’un grand effet au théâtre, a un pendant non moins admirable à la fin de la pièce.

Les Indiens se sont battus contre les compagnons de Colomb ; ils en ont tué un grand nombre, et en poursuivant les fuyards ils sont arrivés au pied de la croix.

Dulcan, le chef, ordonne de l’arracher et de la jeter à la mer. Mais à peine la croix a-t-elle été renversée, qu’au son d’une musique mélodieuse une autre croix surgit du sol et va peu à peu grandissant.

— Le tronc a repoussé, s’écrie le chef, c’est un arbre divin.

— Voyez comme il s’élève et grandit, dit un indien.

— C’est prodigieux, dit un autre ; d’aujourd’hui je commence à trembler.

— Bois sacré, dit un troisième, dès aujourd’hui tu dois régner sur ces contrées.

Au milieu de ces tableaux grandioses, le poète dramatique ne néglige pas les peintures de mœurs, et les fines critiques.

Ainsi, il n’oublie pas de faire voir que les deux grandes fautes des compagnons de Colomb, et des autres Espagnols qui vinrent dans le nouveau monde, furent l’amour de l’or et la volupté.