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Je ne puis qu’en résumer une scène qui me paraît d’une grande beauté.

Christophe Colomb a touché la terre d’un nouveau monde. Il l’embrasse, et se faisant apporter une croix il la plante au sommet d’une colline afin qu’elle serve, dit-il, de phare au nouveau continent. Sur son ordre tous ses marins tombent à genoux sur le rivage où va croître cette plante sacrée, et chacun adresse à la croix une invocation :

— C’est à moi, dit Colomb, de parler le premier : Illustre et sainte couche sur laquelle Dieu est mort étendu. Tu es la noble bannière qu’il leva contre le péché, et je crois voir sur ton bois la trace de son sang glorieux.

Frère Buyl : Indestructible mât du vaisseau de l’Église qui montes jusqu’au ciel comme l’échelle mystérieuse de Jacob, tu as pour voile le linceul qui enveloppa la dépouille de Dieu fait homme, et nul pilote n’égala jamais le grand prêtre qui te conduit.

Barthélemy Colomb : Verge divine de Moïse qui partageas la mer Rouge ; phare lumineux et brillant qui guides l’homme dans sa marche, je te plante sur cette terre qui ne connaît pas le vrai Dieu, mais qui deviendra une nouvelle terre promise.

Pinzon : Verdoyant laurier de victoire sur lequel se posa la tête du Christ, purifie ce pays des souillures de l’idolâtrie, puisque le sang dont tu es teint a coulé pour tous les hommes ; croîs en ce lieu où t’a planté notre audace chrétienne.

Arana : Harpe mélodieuse de David, sur laquelle fut fixé douloureusement celui dont tu as prophétisé la