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ISABELLE.

Plutôt n’être par femme,
Que d’être femme et ne pas voir !
Mon père vit dans un manoir ;
Jamais on n’y rencontre une âme,
Toujours ces bois et ce ruisseau,
Qui plus loin dans la mer dévale !
Et quand, par un hazard nouveau,
Je puis voir l’aigle impériale,
Avec son bec en diamant,
Frédéric veut que je me cache !
L’ordre est au moins d’un ignorant !
Il n’est de femme que je sache,
Qui pour le seul plaisir de voir,
Ne voudrait voir la fin du monde !

Isabelle, vêtue en paysanne, s’en va donc errer dans le forêt pour apercevoir l’empereur défendu, et probablement aussi pour être vue par lui.

Il va sans dire qu’elle le rencontre, et qu’il en résulte une série de tribulations et de peines de jalousie pour ce pauvre Frédéric. Non seulement l’empereur, mais un grand seigneur de sa suite, font un peu la cour à Isabelle ; et voici comment ce grand seigneur raconte à Frédéric lui-même son entrevue avec Isabelle ;


Près de ce ruisseau, je la vis un soir
Un moment s’asseoir
Sur le gazon vert de la rive ;
Sa douce présence éveilla les fleurs,
Qui voulant lutter avec ses couleurs,
Prirent une teinte plus vive.
Avec la ligne qu’elle avait,
De quelque pêcheur empruntée,
Chaque poisson qu’elle prenait
Semblait une étoile argentée,
Mais toujours se débattait !