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Térence, afin que leur voix ne s’élève pas contre moi… Je compose pour le public, et puisqu’il paye, il est juste de lui parler la langue des sots qui lui plaît. »

Comme on le voit, Lope de Vega tenait au succès avant tout, et il ne dédaignait pas l’argent. Sans doute, il avait tort ; mais qui lui jettera à ce sujet la première pierre ? Sera-ce le dramaturge contemporain, ou l’homme politique de nos jours ?

Malgré toute l’imperfection de la forme et les négligences du style, il faut lui reconnaître d’ailleurs des qualités éminentes et nombreuses.

Aucun poète n’a reçu du ciel, à un plus haut degré, la faculté créatrice. Il inventait toute une comédie dans un instant ; il imaginait les intrigues dramatiques et les dénouait en se jouant.

Ses pièces sont généralement remarquables par l’action, le mouvement et la vie. Mais il excelle surtout dans les peintures de mœurs et de caractères. Avec cela des pensées souvent élevées, de la verve, et de l’esprit. C’était assez pour réussir.

Mais on se lasse de tout, même du succès, et l’on finit souvent par se dégouter des choses mêmes qui ont fait sa gloire. C’est ce qui arriva au grand poète. Un jour il fut pris de lassitude et de dégout, et comme son second fils allait choisir un état il lui dédia une pastorale, et dans sa dédicace il lui dit : « Si le malheur ou vos dispositions naturelles voulaient que vous fissiez des vers (ce dont Dieu vous préserve !) que du moins la poésie ne soit pas votre unique occupation. La gloire, dites-vous, me dédommagera ! Ne le croyez point ; rappelez-