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« Quand elle fut prosternée sur le pavé du temple, on chanta la dernière prière des morts, et le monde était aussi triste que le ciel était joyeux.

« Toutes l’embrassèrent l’une après l’autre, puis l’accompagnèrent vers son époux, et la firent asseoir à la table de l’enfant divin.

« Et maintenant Marcelle vit là…… et loin de ce monde insensé, loin de ses vaines illusions elle suit la voie du ciel.

« Ô bienheureux désenchantement des choses de la terre ! cette vierge si belle, si chaste et si pure, a consacré à Dieu ses dix-sept ans ! »

À dater de ce jour, la vie du grand poète s’assombrit.

Il n’est plus le temps où il chantait l’amour dans des sonnets charmants comme celui-ci :

Parfois l’enfant naïf, étourdi sans cervelle,
Qui tient un jeune oiseau par la patte attaché,
Laisse filer la corde ; et, se croyant lâché,
L’oiseau va dans les airs essayer sa jeune aile ;



Mais au plus beau moment de ce jeu, la ficelle
Se casse, et le géôlier, tout surpris et fâché,
Voit au loin dans les bois s’échapper le rebelle,
Et, les larmes aux yeux, le regarde perché.



Ainsi fis-je avec toi, cher amour ! Ma folie
A laissé s’envoler le bonheur de ma vie,
Suspendu par un fil aussi fin qu’un cheveu ;



Puis l’amour envolé, qui ne veut plus descendre,
Me laisse un bout de corde à la main. C’est bien peu,
Mais cependant assez encore pour me pendre.